Agence France-Presse
24 mai 2018
Société
La surveillance de masse est aujourd’hui « pire » qu’elle ne l’était il y a 10 ans, « surtout aux États-Unis », a estimé jeudi Chelsea Manning, l’ancienne informatrice de WikiLeaks, appelant à davantage de considérations éthiques dans l’intelligence artificielle.
« Il y a 10 ans, je travaillais dans le domaine du renseignement militaire, je pouvais sentir leur pouvoir et voir comment la technologie est déployée » pour surveiller les citoyens, notamment via l’apprentissage machine (machine learning), a rappelé la jeune femme, en faisant allusion à une technique d’exploitation de données utilisée dans l’intelligence artificielle.
« Maintenant, je vois comment cette technologie fonctionne : tout a empiré, surtout aux États-Unis », a-t-elle averti lors d’une intervention à la conférence C2 Montréal.
Condamnée en 2013 par une cour martiale à 35 ans de réclusion pour avoir transmis à WikiLeaks plus de 700 000 documents confidentiels relatifs aux guerres d’Irak et d’Afghanistan, Chelsea Manning a passé sept ans en prison (dont trois de détention provisoire) avant que sa peine ne soit commuée par l’ancien président Barack Obama.
« Quand je suis sortie de prison, je me disais : “Je vais prendre ma retraite, je vais me cacher un peu, je vais me poser et profiter un peu de la vie.” Mais ça m’a frappé de constater un changement aussi drastique dans les méthodes de maintien de l’ordre, dans la surveillance agressive », a déclaré l’ex-analyste militaire.
Huit ans après avoir plongé les États-Unis dans l’embarras en faisant notamment fuiter plus de 250 000 câbles diplomatiques, elle estime que les développeurs ont aujourd’hui un rôle crucial à jouer pour éviter que leurs innovations ne soient récupérées et utilisées à mauvais escient.
« Je comprends les gens qui travaillent maintenant sur l’apprentissage machine et tous ces algorithmes. Ils sont concentrés sur des échéanciers et sur l’objectif de sortir leur produit à temps », a-t-elle déclaré devant un public nourri.
« Mais ils doivent réfléchir aux implications éthiques de la technologie qu’ils mettent au point », a plaidé Mme Manning.
Décidée à se lancer en politique, Chelsea Manning brigue l’investiture démocrate pour le poste de sénatrice de l’État du Maryland, où elle réside depuis sa sortie de prison.
« Tout ce que l’on fait chaque jour a un impact politique, même ne rien faire a un impact », a-t-elle lancé à C2 Montréal, conférence d’affaires dont la septième édition comporte un volet entier sur l’intelligence artificielle.